Sharan Burrow : « La CSI veut changer les règles de la mondialisation »

#FO2018Lille - Interview par Evelyne Salamero

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Sharan Burrow, présente au congrès confédéral de la CGT-FO à Lille, est secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, qui regroupe les organisations syndicales de 181 millions de travailleurs dans 163 pays.

Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans le contexte international actuel ?

Sharan Burrow : Notre monde est fracturé et la main-d’œuvre mondiale est en danger. Le pouvoir des entreprises, affranchi de limites, est en train de détruire la dignité du travail. Seulement 60 % des travailleurs dans le monde ont un emploi formel et encore, parmi eux, plus de la moitié occupent des emplois sous-payés, précaires et souvent dangereux. Les 40 % restants luttent pour survivre dans l’économie informelle et plus de 45 millions sont en situation d’esclavage moderne. Le vrai visage d’une mondialisation qui ne met aucune limite au pouvoir et à la cupidité des entreprises est ainsi exposé. Trop de gouvernements sont complices en refusant de protéger les droits de leurs citoyens et d’exiger des entreprises l’impôt nécessaire pour garantir une protection sociale et un service public, tous deux vitaux.

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Quels seront les thèmes principaux du prochain congrès de la CSI en décembre 2018 ?

Sharan Burrow : « Construire le pouvoir des travailleurs - changer les règles » en sera le thème central. Nous réaffirmerons notre engagement fondamental en faveur de la paix, de la démocratie et des droits humains, parmi lesquels les droits syndicaux, contre la montée des attaques de l’autoritarisme et des dictatures.
En finir avec la cupidité des entreprises est un défi majeur pour renverser un modèle économique construit sur la fausse promesse de la théorie du ruissellement des bénéfices de haut en bas.
Quand 84 % de la population dit que le salaire minimum n’est pas suffisant pour survivre, une campagne mondiale pour les salaires s’impose, et une nouvelle convention de l’OIT pour garantir le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement est essentielle.
Obtenir des transitions justes, en matière de changement climatique, de digitalisation et de déplacement des populations est aussi une revendication centrale du mouvement syndical.
L’égalité n’est garantie ni pour les femmes, ni pour les peuples indigènes, ni pour la communauté LGBT, ni pour les migrants, les réfugiés, les personnes handicapées et trop de communautés ethniques et religieuses.
Les approches stratégiques pour s’organiser contre la discrimination seront une caractéristique des débats du congrès, et notre ambition d’obtenir une convention de l’OIT pour éliminer la violence contre les femmes et les hommes dans le monde du travail sera une priorité.

La CSI vient juste de lancer une plate-forme Internet de conseil aux migrants. Pourquoi ?

Sharan Burrow : Les travailleurs migrants sont parmi les plus vulnérables sur nos lieux de travail. Nous voulons fournir des conseils sur les lois du travail et les conditions faites aux migrants, ainsi que faciliter une évaluation par les migrants eux-mêmes des agences de recrutement. 

Propos recueillis par Evelyne Salamero

 

En utilisant le site www.recruitmentadvisor.org les travailleurs migrants peuvent échanger leurs expériences pour en aider d’autres à éviter des recruteurs sans scrupules. Les premières utilisations de la plate-forme sont très encourageantes.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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