Conditions de travail dans les chaînes d’approvisionnement : La liberté syndicale reste la clé…

Mondialisation par Evelyne Salamero

Présentation de l’étude de l’OIT sur les conditions de travail dans les chaînes d’approvisionnement, le 14 décembre 2017 au siège parisien de l’OIT. Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Les conditions de travail dans les entreprises qui travaillent pour les multinationales sont désastreuses. La responsabilité des donneurs d’ordres apparaît clairement dans une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) présentée le 14 décembre dernier.

Les multinationales mondialisent et fragmentent toujours plus leur production au travers d’une myriade de sous-traitants et de fournisseurs spécialisés et éparpillés dans différents pays. Un emploi sur cinq dans le monde se trouve ainsi aujourd’hui dans ces entreprises. Les échanges, au sein de ces chaînes d’approvisionnement des multinationales, de biens intermédiaires, c’est-à-dire nécessaires à la production de la marchandise finale (matières premières, énergie, services…), représentent 80 % du commerce international.

Les conditions de travail et de sécurité dans ces chaînes d’approvisionnement sont déplorables. Tout le monde garde en mémoire la mort de 1 130 ouvrières et ouvriers bangladais dans l’effondrement en 2013 du Rana Plaza, qui abritait cinq usines de confection textile fournissant les grandes marques occidentales.

Le 14 décembre dernier, le bureau de l’OIT à Paris a présenté les résultats d’une étude dont il ressort essentiellement que les mauvaises conditions de travail ne sont pas dues exclusivement aux conditions locales, mais prennent aussi leur source dans le fonctionnement même des chaînes d’approvisionnement.

Plus d’un tiers des fournisseurs (39 %) ont notamment indiqué avoir accepté des commandes à des prix en dessous de leurs coûts de production, un manque à gagner qu’ils cherchent à compenser en abaissant le coût du travail. La proportion monte à 52 % dans le secteur du textile-habillement.

Des négociations collectives dans 28 % seulement des entreprises sous-traitantes

Seulement 16 % des fournisseurs interrogés estiment que les ordres comportent un délai de livraison suffisant, ce qui a forcément un impact sur le nombre d’heures supplémentaires à effectuer.

Pas moins de 75 % des acheteurs ont refusé de répercuter sur leurs prix l’augmentation du salaire minimum que certains pays ont décidé, ce qui n’encourage évidemment pas les fournisseurs à la respecter et/ou les incite à renvoyer du personnel. Dans ce dernier cas, les plus vulnérables sont bien évidemment les contrats temporaires, qui représentent 20 % de la main-d’œuvre totale des entreprises prestataires.

L’enquête révèle également l’influence déterminante de la présence ou non d’organisations représentatives des salariés et d’institutions dédiées au dialogue social sur le niveau des salaires. Or, seulement 28 % en moyenne des fournisseurs mènent des négociations salariales avec les représentants des travailleurs.

Quant aux donneurs d’ordres, une autre étude de l’OIT sur les engagements sociaux des grandes entreprises confirme que ce qui les préoccupe le moins ce sont la liberté syndicale et la liberté de négociation.

 

Zoom : Le mandat de l’OIT
En juin 2016, les trois composantes (représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs) de l’OIT (Organisation internationale du travail) ont adopté un plan d’action destiné à favoriser des relations plus équilibrées et pérennes entre donneurs d’ordres et sous-traitants, qui concourent à la fois à l’amélioration de la productivité et des conditions de travail. C’est dans ce cadre que l’OIT a mené son enquête auprès de 1 422 fournisseurs répartis dans 87 pays de tous les continents et employant 1,46 million de salariés.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante