Pascal Lopez (Sanofi SAG) : « Ce qui ne tue pas rend plus fort »

Portrait par Clarisse Josselin

Photo : F. Blanc (CC-BY-NC 2.0)

Pascal Lopez, 57 ans, est délégué central chez Sanofi SAG, qui regroupe les fonctions support du géant pharmaceutique, et emploie 3 800 salariés. En juin 2017, il a dénoncé un système d’évaluation illégale des cadres. Depuis, l’équipe Ressources Humaines (RH) a été remplacée et les adhésions à FO ont triplé.

Il a parfois le sentiment d’être un rat de laboratoire. Entré en 1983 comme biologiste chez Pharmuka, Pascal Lopez a vécu plus de dix plans sociaux au sein de la même entreprise, passée sous l’enseigne Rhône-Poulenc, puis Sanofi, à coup de réorganisations et de rachats.

Il a adhéré à FO en 1983, à l’invitation d’un militant, alors que le site où il travaillait, à Gennevilliers, était menacé de fermeture. Je n’étais pas particulièrement branché sur le syndicalisme, même si je suis petit-fils d’un républicain espagnol, reconnaît-il. Mais je l’ai suivi par curiosité et je suis rapidement devenu le secrétaire du syndicat.

Il se bat pour l’emploi et, l’année suivante, empêche vingt-cinq licenciements. Quand je suis arrivé sur mon nouveau site, à Vitry, je n’ai pas eu de mal à convaincre les salariés, et nous sommes devenus l’un des plus gros syndicats, poursuit-il.

Pascal multiplie les mandats syndicaux, dans l’entreprise comme dans sa fédération et dans l’interpro. À tel point qu’il lui devient difficile de poursuivre son métier de chercheur en maladies dégénératives. Il se reconvertit dans l’informatique en 1997.

Une liste noire de 200 personnes à virer

En avril 2016, il apprend par un salarié la présence de puces RFID (de l’anglais radio frequency identification) dans les badges des salariés, sur les sites de Gentilly et Lyon. Il organise une mobilisation, contacte la CNIL et interpelle les médias sur cet outil de flicage potentiel. Il dénonce aussi la présence de caméras à 360° dans des espaces de détente, un dossier toujours d’actualité. J’ai été menacé, mais j’ai gagné la confiance des salariés, ce qui a conduit à la deuxième affaire, beaucoup plus grave, poursuit-il.

En juin 2017, il révèle sur France Inter la mise en place d’un système illégal de classement des cadres chez Sanofi SAG. Ce « ranking forcé » ou encore « sous-notation forcée » permet de déterminer des quotas préétablis de salariés non performants. Des cadres lui ont secrètement transmis un an d’échanges par mail sur le sujet, et une liste nominative de deux cents personnes à virer, dont l’ensemble des représentants du personnel du secteur concerné. Tout partait des États-Unis.

Ça a été très compliqué pour moi physiquement et psychologiquement, avoue-t-il. J’ai eu trois mois d’arrêt avec des hospitalisations successives. Mais ce qui ne tue pas rend plus fort. Et aujourd’hui, grâce à notre courage, nous avons gagné une légitimité auprès des salariés.

FO est le deuxième syndicat, avec 21 % de représentativité

Toute l’équipe des ressources humaines a été remplacée durant l’été, ajoute-t-il. Le directeur des relations sociales part avec l’actuel PSE. Et le responsable technique informatique monde, aux États-Unis, a été viré. On ne revendique pas ces départs, il faut savoir être humble et ne pas humilier. Mais leur action était totalement illégale.

Depuis juin, le syndicat a triplé le nombre d’adhérents, dont beaucoup sont des cadres. Les élections, qui devaient avoir lieu en octobre 2017, ont été repoussées à une date ultérieure par la direction. FO est actuellement deuxième syndicat chez SAG, avec 21 % de représentativité.

L’entreprise compte 3 800 salariés dont 77 % de cadres, plutôt autonomes, explique le délégué central. On s’appelle Force Ouvrière, mais on est le syndicat de tous les salariés, ça a toujours été l’une de mes batailles.

Pascal est aussi très actif sur les réseaux sociaux. Sur mon compte Twitter, j’ai plus d’abonnés que mon entreprise, se félicite-t-il. Faire savoir, c’est aussi important que savoir-faire.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante