Réforme de la SNCF : les cheminots restent vent debout

Service Public par Evelyne Salamero

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Peu nombreux durant le débat sur le contenu du nouveau pacte ferroviaire, les députés ont retrouvé le chemin de l’Assemblée nationale pour voter. Le projet de réforme de la SNCF a été adopté par 454 voix contre 80 en première lecture mardi 17 avril. Pour autant, il ne s’agit que d’une première étape dans le parcours législatif qui ne s’achèvera que début juin. Surtout, les cheminots poursuivent leur mouvement de grève, à l’appel notamment de FO Cheminots qui considère que ni les 45 amendements pris en compte par le gouvernement (sur 300 présentés), ni la concertation menée par la ministre des Transports ne changent le fond de la réforme.

Au bout de deux mois de concertation le point d’accostage est pire qu’au début des discussions. Non seulement, il n’y avait rien à négocier mais, pire, ils vont plus loin que la couleur annoncée. Le verdict de la fédération FO cheminots est sans appel, au sortir de l’ultime réunion bilatérale de concertation avec la ministre des Transports, Elizabeth Borne, mardi 17 avril, sur la modernisation sociale du secteur ferroviaire, et après le vote du projet de réforme de la SNCF le même jour en première lecture à l’Assemblée nationale.

La veille, le 16 avril, l’annonce de la filialisation du fret (totalement ouvert à la concurrence depuis 2006) programmée pour le premier semestre 2020, avait déjà confirmé de manière éclatante l’absence d’écoute réelle de la part du gouvernement à l’égard des cheminots et de leurs organisations syndicales.

La privatisation de la SNCF en marche : appel solennel de FO Cheminots aux autres fédérations

Le 1er janvier 2020 tout sera détruit, à moins que…. Tel est le titre du communiqué des cheminots FO qui se termine par un appel solennel à une réunion de toutes les fédérations pour donner les moyens de cheminots de gagner. Pour FO, qui constate que la grève démontre que les cheminots sont prêts à en découdre […] l’unité des fédérations est primordiale.

La transformation de la SNCF en SA est effectivement programmée pour entrer en vigueur le 1er janvier 2020.

Le projet de réforme adopté mardi 17 avril en première lecture à l’Assemblée commence par stipuler que le capital de la future SNCF sera intégralement détenu par l’État.

Mais, contrairement aux promesses verbales du Premier ministre il y a quelques semaines, rien ne précise que l’État ne pourra pas céder progressivement ce capital à des opérateurs privés.

D’ailleurs, le premier article du projet de loi précise que la SNCF sera soumise aux dispositions du code du commerce relatives aux sociétés anonymes, aux autres lois générales qui les régissent ainsi qu’aux autres dispositions particulières prévues par la loi.

Or, en vertu de ces textes, les clauses d’incessibilité du capital des sociétés anonymes, ou plutôt d’inaliénabilité pour reprendre le terme du code du commerce, ne sont possibles que si elles prévoient une interdiction d’une durée inférieure ou égale à dix ans et qu’elles sont justifiées par un motif sérieux et légitime. Un motif sérieux et légitime du point de vue du commerce bien sûr et non du service public.

De plus une Société anonyme doit obligatoirement être composée de deux actionnaires au minimum. Par conséquent, comment l’État pourrait-il détenir intégralement le capital de la future Société anonyme SNCF, même dans un premier temps ?

… Ce que le gouvernement appelle la modernisation sociale du secteur ferroviaire

La fin du recrutement au statut est également prévue pour le 1er janvier 2020.

Le projet de réforme autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance dans les douze mois suivant la publication de la loi pour, notamment, fixer les conditions dans lesquelles les contrats de travail se poursuivent pour assurer la mise en œuvre du groupe public et les effets en résultant sur le droit social applicable.

Il pourra également, par ordonnances et dans les mêmes délais, fixer les conditions de recrutement, d’emploi et de représentation du personnel ainsi que la négociation collective au sein des sociétés composant le groupe public.

Contrairement à ce qu’explique le gouvernement, l’ouverture à la concurrence n’aura rien de progressif, puisque d’ores et déjà, le projet de loi établit que les entreprises ferroviaires peuvent assurer librement des services de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises.

En conséquence, lorsque la SNCF perdra une part du « marché » au profit d’une entreprise privée, les contrats de travail de ses cheminots concernés par l’arrêt de cette activité, seront transférés au nouvel employeur.

Certes, ce changement, est-il précisé, entraîne le maintien des conventions et accords collectifs.

Mais en réalité, cela se fera dans les conditions prévues aux articles L.2261-14, L.2261-14-2 et L.2261-14-3 du code du travail, ce qui, en résumé, signifie que le nouvel employeur ne sera contraint de respecter les droits acquis par les ex-cheminots SNCF que durant quinze mois au maximum.

Le gouvernement s’autorise à légiférer de nouveau par ordonnances après la réforme pour favoriser la négociation collective au sein de la branche ferroviaire

Le projet de loi stipule que le cheminot dispose d’un délai de six mois pour dire s’il est d’accord ou non pour être transféré, mais ne prévoit rien pour le protéger en cas de refus. Aucune proposition de reclassement de la part de l’opérateur cédant, la SNCF, n’est prévue.

Quant au volontariat, il y sera fait appel prioritairement

Le gouvernement pourra légiférer de nouveau par ordonnances dans un délai de six mois après la promulgation de la réforme pour compléter et préciser ses dispositions de façon à déterminer les conditions dans lesquelles les contrats de travail des salariés […] se poursuivent auprès d’un nouvel opérateur, les conséquences du refus d’un salarié ainsi que les garanties attachées à la poursuite de ces contrats.

Le gouvernement s’autorise aussi à prendre par ordonnance toute mesure permettant de favoriser la négociation collective au sein de la branche ferroviaire et de tirer les conséquences de l’absence de conclusions d’accords collectifs dans un délai déterminé.

Il n’y a qu’à se reporter aux ordonnances portant réforme du code du travail, qui permettent à des accords d’entreprise de déroger à des conventions collectives de branche, pour savoir ce que le gouvernement entend par favoriser la négociation collective au sein de la branche ferroviaire

Le chantage à la dette

Quant à la reprise de la dette par l’État, rien ne l’évoque dans le projet de réforme, ce qui est somme toute logique puisque le Président Emmanuel Macron l’a confirmé dans les médias les 12 et 15 avril : l’État pourrait reprendre une part de la dette, même « substantielle », mais seulement une fois que la réforme du secteur ferroviaire sera faite, en clair une fois que les cheminots l’auront payée...

... Les cheminots, et les usagers. La fermeture des petites lignes, entre autres, n’a pas disparu de l’ordre du jour du gouvernement. L’article 3 du projet de loi prévoit ainsi que dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport présentant et analysant l’état du réseau ferroviaire et des circulations sur les lignes les moins circulées.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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